Des co-chercheurs capdroits à l’espace collaboratif CNRS – ATD Quart Monde

Depuis les années 90, ATD Quart Monde, association de lutte pour la dignité de tous, expérimente une méthodologie de mise en dialogue dite « Croisement des savoirs » qui permet aux militants de participer à l’élaboration d’une « expérience usagère ». En association avec le CNAM et le CNRS a été lancé en juin 2016 un « Appel au développement de recherches participatives en croisement des savoirs » et un espace collaboratif. Cet espace veut contribuer à la prise en compte des savoirs des personnes en situation de pauvreté pour une connaissance plus complète qui permettra de mieux combattre la pauvreté et l’exclusion et il se propose d’être un lieu rassemblant les projets et réalisations partageant cette orientation, un lieu d’échange et un lieu de recherche. Dans le cadre de leurs 2èmes rencontres, ATD Quart Monde et l’Espace Collaboratif ont demandé à l’équipe de Capdroits de présenter leur démarche.

Capdroits ATD

Les co-chercheurs capdroits en intervention à l’espace collaboratif ATD

Cette rencontre a eu lieu le 11 juin 2019 à la Maison des Sciences de l’Homme Paris Nord et a été l’occasion pour deux équipes de bénéficiaires-militants, professionnels et chercheurs de mettre en discussion leurs deux méthodologies.

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Militants ATD, praticiens et chercheurs en discussion autour des objectifs Capdroits

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La compréhension des objectifs de la démarche Capdroits par les militants ATD

Après une matinée au cours de laquelle les groupes de pairs ont réfléchi à l’intérêt de la recherche collaborative, l’intervention des co-chercheurs Capdroits a commencé tardivement (midi), ne permettant pas de déployer toute l’intervention prévue. Nous avons du notamment renoncer à notre conclusion sur la collaboration comme « un morceau de destinée en commun » (Bernard Meile), et sur « l’acceptation de ce morceau de destinée » (Mouna Romdhani). Pour autant, les nombreux temps de question pendant l’intervention ont permis de faire ressortir très utilement l’enjeu de l’accessibilité d’une analyse collective, mais aussi le type de langage « captif » qu’on développe, qui peut être perçu comme relevant d’un langage sous contrôle académique/CNRS. On a pu constater qu’on a été « repris » sur toute une « terminologie scientifique », qui faisait « buter » sur beaucoup d’analyses (Valérie Lemard). Cela nous a conduit à constater à la fois l’importance de développer un « langage scientifiquement élaboré », mais aussi un langage accessible aux différents publics qui sont amenés à le réceptionner. Cette dialectique entre « pensée en élaboration » et « pensée à rendre accessible » est un horizon à poursuivre !

Les temps de travail en « groupe de pairs », ou « groupes d’habitude », préconisés par ATD ont été très appréciés par certains d’entre nous, notamment par une certaine liberté de parole féconde pour la réflexion (Nacerdine Bezghiche), et par le partage de difficultés spécifiques rencontrées par les positions respectives, par exemple celle de chercheur académique (Benoît Eyraud).

D’autres ont considéré que « les militants sont maintenus en dehors de la collaboration », que les groupes sont trop « juxtaposés » et pas assez « en dialogue », limitant de la fécondité dans les échanges, ce qui a pu être ressenti comme très frustrant (Isabel Perriot-Comte). Certains d’entre nous se sont ainsi interrogés sur les raisons conduisant à ne pas « croiser les savoirs dès le départ ».

Tous sont d’accord sur la difficulté de créer « un langage commun » permettant de « partager ce qu’on a en commun » et sortir de « nos autismes personnels », tout en développant des « langages spécifiques » (Bernard Meile), de rester « libre » dans nos influences, et la manière de ressentir les pressions des autres, partenaires, pairs, accompagnateurs, ou encore commanditaires (Sylvie Daniel)…

Des soupçons ont pu être formulés sur une instrumentalisation des co-chercheurs usagers par des co-chercheurs académiques. Jacques Lequien a pu formuler de manière très claire et très nette qu’il avait été complètement libre d’adhérer aux écrits et aux analyses issues de la démarche, à leur élaboration, et les soupçons dont il a pu faire l’objet l’ont mis en colère. Des militants ATD ont pu exprimer que ces soupçons étaient fréquents dans leur propre expérience de discussion sur les scènes publiques.

L’expérience a été très enrichissante, nous permettant de prendre de la distance sur notre méthode, et d’apprendre des temps de travail en « groupe d’habitude ». Le dialogue va se poursuivre et nous avons  invité des militants ATD à rejoindre des groupes locaux capdroits pour prolonger la démarche.

Post rédigé par Isabel Perriot-Comte et Benoît Eyraud avec les apports et signatures de :

Arnaud Béal, chercheur académique capdroits, concerné par les représentations des droits des personnes vulnérables

Nacerdine Bezghiche, usager-chercheur capdroits, concerné par les mesures de curatelle

Benoît Eyraud, chercheur académique capdroits, proche concerné par les mesures de contrainte légale

Céline Lefebvre, chercheure académique capdroits, concernée par la recherche collaborative avec des personnes en situation de handicap

Valérie Lemard, usagère-chercheure capdroits, usagère de services de santé mentale, militante à l’association Esqui

Jacques Lequien, usager-chercheur capdroits, travailleur en ESAT, concerné par les mesures de tutelle

Bernard Meile, usager-chercheur capdroits, résident de CHRS, militant associatif, concerné par l’appropriation des droits fondamentaux

Isabel Perriot-Comte, mandataire judiciaire chercheure capdroits, concernée par les mesures de protection

Mouna Romdhani, psycho-gériatre chercheure capdroits, concernée par les mesures de décision substitutive

4 réflexions sur “Des co-chercheurs capdroits à l’espace collaboratif CNRS – ATD Quart Monde

  1. Je suis une participante militante ATD Quart Monde, et j’ai participé à cette rencontre. Je me pose une question. Les usagés chercheurs chercheuses sont-ils en situation de pauvreté? Sachant cette réponse cela me permettrais de mieux comprendre leur facilité d’expression orale et écrits.

    • Merci de votre intérêt pour la démarche ! Les usagers-chercheurs de la démarche Capdroits se positionnent comme des personnes en situation de handicap et/ou usagers en santé mentale, ils peuvent aussi être concernés par la précarité, mais cette question n’a pas été jusqu’au présent notre porte d’entrée. Nous souhaitons travailler davantage sur les liens entre le handicap et la précarité dans les suites de la démarche.

  2. Je reviens ici pour demander si il m’est possible d’avoir une ou deux photos prise lors de cette rencontre. Une autre question depuis quelque temps je réfléchie sur une idée de faire de la recherche en innovation et droit. Mais avant je doit probablement avoir un certain niveau d’étude pour cela. Comment puis-je être en contact pour avoir des renseignement.

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