Programmes de recherche associés

Régulcap Capdroits Acsedroits – DAP


Le programme Régulcap (2015-2018), initié dans le cadre de la dynamique Contrast, s’intéresse à l’enjeu social de l’évolution de la mise en œuvre du droit des (in)capacités en se centrant sur la manière dont différents groupes sociaux s’en saisissent et l’adaptent pour réguler leur pratique d’intervention sur autrui.

Le droit des (in)capacités a en effet connu ces dernières années un infléchissement important. D’un côté de nombreuses dispositions législatives ont contribué à mieux garantir la protection, l’autonomie et la liberté des individus au nom du respect de la dignité humaine ; d’un autre côté, le recours aux mesures de protection permettant de décider et d’agir à la place des personnes dont les facultés d’action et d’action sont altérées se sont considérablement multipliées.

De telles évolutions ne manquent pas de soulever de nouvelles interrogations liées aux enjeux de justice et de préservation des libertés individuelles ; en particulier, elles actualisent la question de l’évaluation des (in)capacités alors que les normes à l’aune desquelles apprécier l’autonomie et la vulnérabilité des personnes, sont incertaines. Dans ce contexte où ce qu’il convient de faire et de décider pour assurer la protection et garantir dans le même temps la liberté des personnes repose sur des bases juridiques paradoxales (promouvant autonomie et protection dans un même mouvement), le jugement d’(in)capacités est une épreuve morale. Une telle situation explique en partie l’émergence, constatée empiriquement, de regroupements d’acteurs et d’arènes de discussion, dans lesquelles se cherchent et se construisent des outils variés de « régulation intermédiaire » (référentiels, guides, recommandations, charges, jurisprudence informelle) devant permettre un encadrement souple des pratiques d’évaluation.

Le programme scientifique de Régulcap vise à répondre aux questions posées par le développement de régulations intermédiaires d’évaluation des (in)capacités : qui sont les groupes acteurs qui s’impliquent dans l’évaluation des (in)capacités ? Quelles régulations se donnent-ils ? S’articulent-elles au droit général des (in)capacités, au niveau national et international ? Ou relèvent-elles plutôt de logiques professionnelles spécifiques ? Ces différentes régulations sont-elles compatibles entre elles ? Comment participent-elles à la construction et à la défaisabilité de la capacité civile ? Peut-on les considérer comme l’amorce d’un double mouvement de judiciarisation et de juridicisation de la question des (in)capacités ?

Responsable scientifique : Benoît Eyraud

Actualités du programme


Le programme Capdroits (lancé en 2016). La participation des personnes en situation de handicap à la vie de la cité est un enjeu majeur de la vie démocratique et des politiques publiques actuelles. L’une des clés décisives de cette participation tient dans les capacités effectives des personnes à exercer leurs droits sociaux, économiques, civils, politiques, autrement dit leur citoyenneté. Dans de nombreuses situations de vulnérabilité particulière, ces capacités sont peu mobilisées, diminuées, voire niées. Ces situations concernent aussi bien des personnes ayant des troubles psychiques ou des maladies mentales, des troubles cognitifs relevant de processus neurodégénératifs ou de traumatismes, des déficiences intellectuelles, des déficiences associées.

En mentionnant dans son article 12 que la capacité juridique des personnes, c’est-à-dire la capacité d’être à la fois titulaire de droits et sujet de droit, ne peut être restreinte, la Convention de l’ONU relative aux droits des personnes handicapées (CDPH), ratifiée par la France en 2010, a impulsé des débats tout particulièrement autour des enjeux du respect des choix des personnes et de l’accès à leurs droits. Ces débats concernent en premier chef les personnes qui vivent une situation de handicap. Leur participation y est nécessaire, alors qu’elles s’en trouvent souvent exclues pour diverses raisons.

L’objectif général du projet Capdroits est de permettre aux personnes en situation de handicap ou de vulnérabilité particulière de prendre part à ces débats les concernant à travers un dispositif expérimental de « mise en forums ». Ce dispositif consiste à enquêter avec les personnes sur différentes questions qui font débat, à partir de principe de croisement des compétences expérientielles, professionnelles et scientifiques. Le projet vise également à promouvoir la réception des contributions des personnes directement concernées au niveau d’acteurs du champ de la recherche académique et des pouvoirs public et d’apporter ainsi des éclairages sociaux nouveaux et expérientiels sur l’exercice par ces personnes de leurs droits.

Issu de la dynamique impulsée par la Conférence Confcap 2015 « Garantir les capacités civiles et politiques des personnes en situation de vulnérabilité » dans le cadre des activités passées du Collectif Contrast, Capdroits réunit un groupement de partenaires en lien avec le Conseil français des personnes handicapées pour les questions européennes (CFHE).

Responsable scientifique : Benoît Eyraud

Actualités du programme


Le programme Acsedroits (lancé en 2016). On assiste aujourd’hui à un vieillissement accéléré de la population (en France et au Québec, en 2050 ⅓ de la population aura plus de 60 ans) et à un risque de vulnérabilisation des personnes âgées.

Pour faire face à ce défi démographique, les États ont mis en place des mécanismes de protection juridique et des services socio-sanitaires qui reposent sur des droits sociaux qu’il s’agit d’activer. L’accès à ces droits est rendu difficile lorsque la vulnérabilité cognitive des personnes âgées fragilise leur capacité à exercer leurs droits et faire valoir leurs intérêts. Il en résulte une série de situations dans lesquelles le respect des droits fondamentaux est mis à mal, malgré ou en raison même du recours à des mesures juridiques de protection.

L’augmentation du recours à ces mesures pose différents types de problèmes, d’autant que leur fondement juridique est aujourd’hui contesté. L’évaluation du besoin de protection repose sur des critères incertains ; le contrôle des décisions prises et des actions menées pour la personne par autrui est peu fait ; le respect des préférences de la personne est difficile à réaliser. Ces difficultés posent le problème de l’accès aux droits des personnes en situation de fragilité cognitive. Le projet Acsedroits se demandera si les outils juridiques actuels et leurs usages sociaux en France et au Québec permettent de résoudre ou au contraire contribuent à aggraver les difficultés d’accès aux droits des personnes âgées en situation de vulnérabilité cognitive.

Il s’articulera autour des deux hypothèses suivantes :  1) les difficultés d’accès aux droits sont renforcées par un cloisonnement des droits sociaux et des droits civils, aussi bien au niveau juridique (législatif, jurisprudentiel et doctrinal), qu’au niveau des usages sociaux et de la conscience que les personnes ont de leurs droits ; 2) un meilleur respect des droits des personnes âgées vulnérables implique une délimitation nouvelle de la notion de capacité juridique adossée à une compréhension procédurale des processus de décisions menant à l’ouverture de régimes de protection, à la limitation de droits fondamentaux et à l’imposition légale de soins et de services.

Pour répondre à ces hypothèses, le projet s’appuiera sur un programme scientifique interdisciplinaire impliquant un éclairage ethnographique des difficultés rencontrés par les acteurs, une analyse théorique de la notion anthropo-juridique de capacité, et une analyse de droit comparé.

Responsable scientifique pour la France : Benoît Eyraud – Responsable scientifique pour le Québec : Anne Saris

Actualités du programme


Le programme DAP (lancé en 2018) :

Les directives anticipées en psychiatrie sont un outil juridique qui vise à faire valoir les droits de la personne qui les remplit lors d’une prise en charge ultérieure (lors d’une hospitalisation notamment). Elles valorisent l’expertise sur ses propres troubles et leur auto-évaluation, et permettent une prise de pouvoir de et pour soi face à certaines pratiques en psychiatrie. La réintroduction des décisions de la personne sur les soins la concernant vient en contrepoint des décisions imposées par le médical.

Certains troubles psychiatriques entraînent des périodes de stabilité et des périodes de crise. Leur périodicité varie beaucoup selon les individus : certaines personnes ne connaissent qu’une crise dans leur vie, d’autres en traversent plusieurs par an. Elles entraînent parfois des moments où les capacités de décision sont atteintes.

Les grandes études épidémiologiques et de nombreux témoignages montrent que les personnes atteintes de ces troubles peuvent se rétablir, vivre une vie satisfaisante, et ce d’autant plus qu’elles sont pleinement actrices de leurs vie : il s’agit du rétablissement.

Or, le recours à la contrainte a de forts effets sur le rétablissement des personnes. Et les contraintes surviennent exclusivement lorsque les médecins jugent les capacités de décisions atteintes. Dans un contexte inquiétant d’augmentation des contraintes, les systèmes de « prise de décision assistée » défendus par le comité de suivi de la convention de l’ONU (CRPD) sont trop peu connus. Par exemple, il est possible de rédiger pendant une période de stabilité des consignes précises anticipant une éventuelle crise psychiatrique, et de désigner une personne de confiance pour veiller à leur application. Le document qui rassemble ces éléments, appelé « directives anticipées en psychiatrie » permet de faire entendre la voix de ceux qui ne sont plus en capacité de s’exprimer pendant ces moments de crise. La rédaction de directives anticipées entraîne la capacité à exercer un certain contrôle sur ses troubles et leur prise en charge. Des études ont montré qu’agissant comme un outil « d’éducation thérapeutique avancé », elles permettent de prévenir les rechutes et de diminuer les contraintes.

L’équipe MARSS de l’APHM expérimente depuis plus de trois ans les directives anticipées en psychiatrie dans différents cadres, et a mis au point un document spécifique.

Une recherche sur l’efficacité de cette action est menée par le laboratoire de santé publique de l’Université d’Aix Marseille. Sous le nom d’ « étude DAP », elle est financée par la DGOS et se déroulera de 2018 à 2020 dans 3 villes : Lyon, Marseille et Paris. Les 400 personnes qui rentreront dans cette étude seront encouragées à rédiger leurs directives anticipées en psychiatrie, avec l’aide d’un médiateur de santé.

Responsable : Aurélie Tinland