Une session “production du handicap” à l’association française de sociologie

Le congrès de l’association française de sociologie s’est tenu entre le 4 et le 7 juillet à Lyon sur le thème “intersections, circulation”. Le réseau thématique 19 “santé, maladie, handicap” a organisé différentes sessions, dont l’une consacrée à la “production du handicap”.

Congrès AFS

Voici un bref compte-rendu des trois dernières communcations de la session :

Qui a besoin des ESAT?

Beaucoup de recherches s’interrogent sur la possibilité de mieux accompagner les personnes pour favoriser le passage d’un travail protégé au travail ordinaire. Pour Fanny Jaffrès, la difficulté n’est pas seulement celle de l’accompagnement, mais bien celle de l’assignation de certaines personnes handicapées au travail protégé. En France, les ESAT offrent le statut du médico-social ; en Suède, c’est une entreprise d’Etat qui offre un statut de droit commun. L’enquêtrice a enquêté dans 14 ESAT en France, et 7 établissements équivalents en Suède. La comparaison internationale permet à l’autrice de dénaturaliser les catégories dans chaque contexte nationale. L’autrice souligne l’importance du moment de “l’orientation” vers le travail protégé, dont le “principe de cohérence” est dans l’expérience antérieure (sous la forme de stage) des personnes, produisant un effet filière important. Ainsi, plus de 50% des travailleurs sont déjà passés par un établissement, soulignant la forte prégnance des professionnels du médico-sociale dans cette orientation, se traduisant parfois par des formes de “dépossession de leur trajectoire” par les personnes elles-mêmes. En Esat, beaucoup de travailleurs proviennent de familles populaires et nombreuses, soulignant que l’inclusion dans la vie ordinaire nécessite un étayage relationnel très fort. En Suède, il y a une forte centralité du service public de l’emploi. L’inclusion est portée par les acteurs du médico-social, ce qui révèle une forme d’échec de la mise en dialogue des “politiques de santé au travail” et des politiques de “handicap”.

Masculinités post-traumatiques

Une intervention a porté sur les effets sur les masculinités de la survenue d’un handicap loco-moteur à la suite d’accidents dans le contexte sud-africain. L’autrice insiste sur la centralité des corps. “Les corps ne peuvent être compris comme des medium neutres des pratiques sociales.” (Connell, 1995) La vulnérabilité des corps masculins est forte par rapport aux attentes d’indépendance, de force, et semble faire l’objet de suspicions sociales particulièrement élevées sur le fait que “la responsabilité du handicap” proviendrait des comportements masculins violents. En vis-à-vis de cette suspicion, le langage de la rédemption est très prégnant. A la masculinité toxique qui amène au handicap renvoie une masculinité “positive” qui passe par le discours de rédemption. La crainte de la désexualisation est grande. Une extension du répertoire des pratiques est décrite. L’enjeu du pouvoir dans le couple reste aussi central. “Une marginalité marginale de la marginalité au sein d’une marge globale”.

Aller mieux avec ou par rapport aux autres?

L’intervention d’Audrey Linder a porté sur l’aller-mieux. Elle constate que l’aller mieux se mesure par rapport à son ancien soi malade mais aussi en comparaison avec les parcours des autres patients qui renvoient aussi bien aux risques de stigmate que de rétablissement (Carpenter-Jonkin). Qui est mon pair? La question se pose et se repose pour les patients. Il s’agit de de positionner et repositionner par rapport aux autres membres du groupe, de se rapprocher de celles/ceux avec qui on s’identifie, de s’écarter de celles/ceux avec qui on ne s’identifie pas. La gestion de la maladie, du handicap, du stigmate, la rendre visible, ou au contraire la voiler, est centrale.

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